Le Razer Zephyr Pro est une solution originale, la seconde dans le genre de la part de la marque. Je ne couvre pas ce genre de gadget en général mais l’aventure de ce modèle particulier est importante à analyser à mes yeux.
Pas mal de sociétés high-tech ont tenté à leur mesure de participer aux efforts pour lutter contre la pandémie de Covid 19. Certaines ont fait des chèques, d’autres ont financé des achats de matériel de secours ou de quoi sauver des patients à l’hopital. D’autres ont acheté des masques par centaines de milliers… C’est assez classique de la part des entreprises et c’est un coup à jouer plutôt positif pour elles. Dans un contexte qui empêchait de dépenser tout budget pour des salons, des rencontres et autres évènements publics, donner de l’argent pour sauver des vies et en faire un élément de communication était sans doute la meilleure chose à faire.
Pour Razer, une partie du problème a été vue comme une de ces opportunités. La conception d’un masque de protection avec des LEDs colorés n’est sans doute pas la meilleure idée qui soit, coller des LEDs RGB sur un appareil de ce genre n’a aucun intérêt médical, mais cela pouvait être cool et la marque s’est donc appliqué à développer ce Zephyr Pro. C’est le second masque de la marque après un premier modèle en 2021.
Les idées ne manquent pas pour cet appareil : il propose une face avant translucide qui permet de voir la bouche de l’interlocuteur qui le porte, des LEDs RGB peuvent l’illuminer, il propose deux prises d’air munies de filtres qui peuvent être changés. Le reste du masque est en silicone pour être facilement lavable. Un système de micro et de haut parleur permet de mieux entendre ce que vous dites, la marque parle d’un volume de 60 dB à 1 mètre, c’est la différence d’avec le premier modèle de la marque qui étouffait totalement les sons.
Razer propose le Zephyr Pro à 150$ avec 10 filtres conseillés pour une utilisation de 30 jours. Ou à 200$ avec 33 filtres pour 99 jours d’usage.
Zephyr Pro : le problème d’une certification bidon.
Razer a fait l’annonce du Zéphyr Pro au CES 2022 en mettant en avant le fait que le masque était à la norme N95. Et il l’a fait d’une manière tout à fait particulière puisqu’il s’est appuyé sur un organisme de certification reconnu appelé Intertek. Cette norme N95, censée certifier que le masque allait filtrer 95% des particules lors de la respiration, n’est pourtant pas respectée par le masque.
Cette certification particulière est délivrée par les USA et construite autour de normes et de tests élaborés par un organisme baptisé NIOSH pour National Institute for Occupational Safety and Health. Cet organisme délivre des protocoles de tests spécifiques que des laboratoires comme Intertek suivent à la lettre, et sous surveillance, pour valider les produits.
Problème, le Razer Zéphyr n’apparait pas dans les produits certifiés par Intertek, tout simplement parce que la société n’a pas fait certifier son produit par Intertek… Peut être que la société se base sur le fait qu’Intertek a certifié les filtres employés par le masque et que par conséquent Razer a décidé que l’ensemble du masque était certifié… Ce qui ne correspond pas à la norme de ce type de produit. On fait passer les tests à un ensemble, un tout. Le masque et les filtres, pour obtenir la dite certification. Razer ne l’a pas obtenue et a donc utilisé frauduleusement celle-ci pour ce produit. Il est également possible que Razer ait conduit ses propres tests avec ses propres protocoles et estimé de son côté et sans contre expertise que l’ensemble des qualité supposées étaient équivalentes à la norme N95. Ce qui ne donne toujours pas droit à cette appellation.
Si une certification indépendante existe, c’est que cela a un impact direct sur la santé des gens. Quand on porte un masque N95, bien plus protecteur qu’un simple masque classique, c’est généralement pour une bonne raison. Croire qu’on porte une solution de ce type alors qu’il n’en est rien est vraiment très problématique. Si cela apporte de la crédibilité au produit et booste ses ventes, cela booste également la transmission des virus.
Cette découverte a été faite par la vidéaste Naomi Wu qui a testé la solution dans une vidéo.
Razer n’a pas trainé et retiré toute mention de cette certification sur ses communications, gommant ainsi après coup cette appellation N95 et rentrant quelque peu dans les clous. Un message a également été posté le 8 janvier sur le blog de la marque mettant en avant les éléments techniques de la solution et les tests effectués par Razer lui même. Sans contre expertise par un labo assermenté donc.
Le 10 janvier, un ajout a été fait sur la page, en tout petit et difficilement lisible, précisant que le masque n’est pas une solution médicale ni certifié N95. Une mise à jour faite avec une publicité bien inférieure aux communiqués de presse d’annonce du produit. Evidemment, une bonne partie du mal est fait et cela a comme premier effet d’avoir fait la solution comme certifiée. Avec une reprise en long et en large des communiqués de presse de la marque sur le Web. Sans esprit critique ni autre volonté de répondre à un pseudo appétit Geek.
Les effets de bords du Zephyr Pro
Mais la vidéaste s’est surtout fendue d’un thread sur Twitter dénonçant les effets secondaires de cet abus. Des effets que j’ai par moi même pu constater de nombreuses fois sur le marché informatique sur d’autres sujets moins graves. Des produits correspondant à telle ou telle norme militaire US sans passer par les tests standardisés. Des produits compatibles avec des normes logicielles ou matérielles avantageuses mais ne respectant finalement qu’une partie de celles-ci.
Le problème, ici, c’est qu’il s’agit d’effets non maitrisés par Razer, la marque n’étant là que pour ouvrir la mauvaise voie. Naomi Wu annonce un futur plus que probable si les autorités ne se saisissent pas immédiatement du problème. La difficulté ouverte par Razer est simple, elle a fait croire à la population que des masques de ce type pouvaient être à la norme N95. Les protégeant efficacement contre le COVID 19. Ce qui peut être le cas si et seulement si ils passent correctement les tests de certification ad hoc.
Mais ce que va retenir le marché, surtout le marché noname, c’est le côté esbrouffe du système. Celui consistant à construire un truc en silicone avec des filtres, des LEDs RGB et un système audio intégré alimenté par une batterie. Ce dispositif peu cher à produire une fois les moules fabriqués, pourra recevoir les filtres disponibles sur le marché et devenir ainsi des concurrents low-cost de la solution de Razer.
@Razer has contacted me and told me they plan to remove N95 marketing from the Zephyr website.
Sorry but no- it’s past that.
Media outlets have labeled it an N95 mask, immune-compromised individuals and healthcare workers all over social media are calling it an N95 mask.
1/9 https://t.co/hUJLvIAuQ5— Naomi Wu 机械妖姬 (@RealSexyCyborg) January 10, 2022
Le problème étant que de nombreuses personnes ne vont pas avoir lu la mauvaise nouvelle. En retirant les éléments incriminants de sa communication, Razer ne disqualifie pas le côté santé de son Zephyr Pro. Il ne fait que se protéger de toute attaque sur ce point. Les masques restent auréolés de cette efficacité à cause de leur communication initiale massive et des acheteurs potentiels vont les obtenir et les porter en toute bonne foi. Même si la documentation commerciale aura sans doute gommé toute mention d’un indice de protection comme une certification N95.
Mais c’est surtout la suite qui est potentiellement terrible. Maintenant que la boite de Pandore a été ouverte, ce sont des fabricants noname qui vont s’emparer du projet, acheter des pastilles filtrantes au kilo, certifiées N95 ou non, et les coller dans des assemblages divers. Des masques cyberpunks, des trucs futuristico-cosplay et autres copies pures et simples du Zephyr pro vont débarquer. Des copies coutant bien moins cher que les prix réclamés par Razer. Ces marques auront sans doute beaucoup moins de scrupules à afficher les qualités supposées du produit et écriront N95 partout sur leur packaging.
Et si rien n’est fait, le marché va être inondé de ce genre de produits faussement sécurisants. Outre le fait qu’embarquer des batteries et des LEDs dans un masque est par essence assez peu utile, laisser penser à des gens qu’ils sont protégés ou qu’ils vont protéger les autres est absolument catastrophique.
Razer doit faire immédiatement marche arrière et tout d’abord cesser toute commercialisation de ce produit. La marque doit annoncer par voie de presse qu’ils se sont trompés et que leur Zephyr Pro n’est pas conforme à la norme N95. Cela de manière active, en payant de la publicité activement et non pas en gommant simplement quelques pages web.
Razer Zephyr pro ou quand le marketing devient dangereux © Technovanguard. 2021.